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Transformer une SARL ou une SCI en SAS : cadre juridique, procédure et enjeux

02.07.2025

Sur le plan juridique, « la transformation d’une société est l’opération par laquelle une société constituée sous une certaine forme adopte une nouvelle forme sociale. Ce changement, qu’il soit volontaire ou imposé par la loi, a pour effet de soumettre la société à un ensemble de règles juridiques différent » (Fiche d’orientation Dalloz – Transformation de société).

Parmi les opérations les plus fréquentes figurent les transformations de SARL (Société à Responsabilité Limitée) ou de SCI (Société Civile Immobilière) en SAS (Société par Actions Simplifiée). Ce changement statutaire, souvent motivé par le besoin de souplesse dans la gouvernance ou par des considérations fiscales, séduit un nombre croissant de dirigeants. Encore faut-il en appréhender pleinement les implications juridiques, fiscales et opérationnelles.

1. Pourquoi transformer une SARL ou une SCI en SAS ?

La transformation vers la SAS est motivée par plusieurs objectifs, notamment :

Une souplesse statutaire accrue

Contrairement à la SARL, encadrée par des règles de fonctionnement rigides (convocations, approbation annuelle, pouvoirs des gérants...), la SAS offre une liberté quasi-totale dans la rédaction des statuts. Cela permet d’organiser finement les pouvoirs, les droits de vote, les modalités de prise de décision, ou encore d’intégrer des clauses spécifiques en cas de levée de fonds.

Une meilleure attractivité pour les investisseurs

La SAS est souvent privilégiée dans les projets de croissance ou de restructuration, car elle facilite l’entrée de nouveaux associés et la mise en place de mécanismes de gouvernance adaptés (pactes d’actionnaires, actions de préférence, etc.).

Une fiscalité sociale plus avantageuse pour le dirigeant

Le changement de forme sociale d’une société n’est pas neutre sur le plan du statut du dirigeant, notamment en matière de protection sociale. En effet, selon que la société adopte la forme de SAS ou de SARL, le régime social applicable au dirigeant varie significativement.

Le président de SAS est assimilé à un salarié : il relève du régime général de la Sécurité sociale (hors assurance chômage), ce qui lui assure une protection sociale plus complète. Cette couverture, généralement plus coûteuse, est souvent privilégiée pour des raisons de sécurité personnelle ou d’alignement avec les standards des cadres dirigeants.

En revanche, dans une SARL, le régime applicable dépend de la répartition du capital social. Le gérant associé majoritaire est affilié à la Sécurité sociale des indépendants (SSI), même en l’absence de rémunération. À l’inverse, le gérant associé minoritaire ou égalitaire relève du régime général en tant qu’assimilé salarié, à condition de percevoir une rémunération. En l’absence de rémunération, aucun régime social ne lui est applicable.

Une modernisation ou rationalisation juridique

Dans le cas d’une SCI, la transformation en SAS peut répondre à des objectifs patrimoniaux (détention de titres via une holding, préparation d’une transmission) ou commerciaux (changement d’affectation, diversification des activités...).

2. Cadre juridique de la transformation

La transformation est régie par les articles L. 210-6, L. 227-1, L. 223-43 et suivants du Code de commerce. Elle ne donne pas naissance à une nouvelle personne morale : la société conserve son identité juridique, son patrimoine, ses contrats et ses engagements. Seule sa structure change.

Cependant, des conditions spécifiques s’appliquent, notamment :

  • La société doit avoir au moins deux ans d’existence, sauf exception.
  • Elle doit avoir déposé ses comptes annuels depuis sa création.
  • En présence d’un commissaire aux comptes, celui-ci doit établir un rapport sur la situation de la société.
  • En l’absence de CAC, il faut désigner un commissaire à la transformation pour évaluer les biens sociaux (article L. 224-3 du Code de commerce), sauf si la société dispose déjà d’un capital social minimum et d’un actif net suffisant.

3. La procédure de transformation

La procédure varie légèrement selon qu’il s’agit d’une SARL ou d’une SCI, mais le schéma global est le suivant :

Étape 1 : Éventuelle désignation d’un commissaire à la transformation

Si la société ne dispose pas de commissaire aux comptes et si la loi l’exige (notamment en cas d’apport en nature ou d’absence de capital minimum), un commissaire à la transformation doit être désigné par le président du tribunal de commerce, conformément aux dispositions légales de l’article L224-3 du Code de commerce.

Le commissaire à la transformation aura pour mission d’apprécier sous sa responsabilité : la valeur des biens de la société, pour attester que les capitaux propres sont au moins égal au montant du capital social, et le cas échéant, rechercher l’octroi d’avantages particuliers, comme le précise le Greffe du Tribunal des activités économiques de Paris.

Il devra donc évaluer les actifs et les avantages particuliers, existants des associés et tiers, et s'assurer que les capitaux propres de la société sont bien supérieurs au capital social.

Depuis la loi d’initiative économique n° 2003-706 du 1er août 2003, cette exigence de désigner un commissaire à la transformation ne s’applique que si la société n’a pas de commissaire aux comptes.

Étape 2 : Rédaction des nouveaux statuts

Les associés doivent rédiger les statuts de la SAS en veillant à organiser :

  • la direction (président, DG, comités éventuels),
  • les droits et obligations des associés,
  • la répartition du capital,
  • les clauses de sortie, d’agrément, de préemption...

Étape 3 : Décision des associés

  • SARL : décision prise en assemblée extraordinaire à la majorité des ¾ des parts sociales, en application des dispositions de l’article L.223-30 du Code de commerce.
  • SCI : décision à l’unanimité des associés, sauf stipulation contraire dans les statuts.

Étape 4 : Formalités au guichet unique

Avant de procéder à la transformation d’une SARL en SAS, il convient tout d’abord de convoquer et de tenir une assemblée générale des associés afin de statuer sur la transformation, conformément aux indications du Greffe du Tribunal des activités économiques de Paris.

  • Enregistrement au greffe du procès-verbal de transformation.
  • Dépôt des nouveaux statuts.
  • Formulaire M2.
  • Publication d’un avis dans un journal d’annonces légales.

Une fois ces étapes réalisées, le greffe délivre un extrait Kbis mis à jour mentionnant la nouvelle forme juridique.

4. Conséquences juridiques, fiscales et sociales

Sur le plan juridique :

  • La société conserve ses contrats (baux, emprunts, contrats de travail, etc.), sauf clauses contraires (clause de changement de contrôle ou de forme).
  • Les décisions passées restent valables.

Sur le plan fiscal :

  • En principe, la transformation n’emporte pas les conséquences d’une cessation d’activité (pas d’imposition immédiate des plus-values ou des bénéfices en cours).
  • Toutefois, l’administration fiscale peut considérer qu’il y a cessation d’activité en cas de modification profonde de l’objet social ou du régime fiscal (notamment en cas de transformation d’une SCI non soumise à l’IS vers une SAS à l’IS).

Il est fortement recommandé de consulter un expert-comptable ou un avocat fiscaliste avant toute opération.

Sur le plan social :

  • Le président relève du régime assimilé salarié, ce qui modifie les cotisations sociales.
  • Il n’a pas droit à l’assurance chômage, sauf adhésion à un contrat spécifique.

5. Points de vigilance

  • Anticiper l’impact fiscal, notamment en cas de changement de régime d’imposition.
  • Revoir les contrats en cours : certains peuvent contenir des clauses affectées par un changement de forme sociale.
  • Ne pas négliger la rédaction des statuts, qui doivent être pensés sur mesure.
  • Tenir compte du profil des associés : une transformation vers la SAS suppose une bonne entente entre associés, car la liberté statutaire peut aussi être source de conflits si elle est mal encadrée.

En conclusion

Transformer une SARL ou une SCI en SAS est une opération stratégique qui peut s’avérer particulièrement bénéfique pour accompagner une croissance, structurer une gouvernance ou attirer de nouveaux investisseurs. Toutefois, cette transformation ne doit pas être prise à la légère : elle implique une analyse juridique, fiscale et sociale approfondie, ainsi qu’un accompagnement par des professionnels pour sécuriser l’opération.

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