Le 31 juillet 2024 marquera un tournant majeur pour la transparence des entreprises. À cette date, le registre public des bénéficiaires effectifs sera fermé, conformément à la directive européenne 2024/1640 du 31 mai 2024.
Quel était le fonctionnement du registre public des bénéficiaires effectifs avant la réforme ?
Avant cette nouvelle directive, il existait deux types de registres :
- Registre public
Ce registre, accessible à tous et affiché sur des plateformes comme Juridifeel, permettait à tout citoyen de connaître l’identité des propriétaires des entreprises françaises via la plateforme officielle Data.inpi.fr ou l’un des nombreux diffuseurs comme Doctrine. Créé en 2021, ce registre se basait sur les déclarations RBE (Registre des Bénéficiaires Effectifs), obligatoires dans le cadre de la loi Sapin II du 9 décembre 2016 de lutte contre la corruption. Le RBE était considéré comme une avancée majeure en matière de transparence financière et de lutte contre la fraude et le blanchiment. Cependant, certains bénéficiaires effectifs critiquaient ce registre pour atteinte à leur vie privée en révélant leur date de naissance et la liste de leurs actifs.
- Registre complet
Ce registre était réservé aux personnes impliquées dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Contrairement au registre public, l’accès au registre complet nécessitait une validation par l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Les informations contenues dans ce registre étaient donc plus détaillées et comprenaient des données confidentielles qui n’étaient pas accessibles au grand public. Ce registre était destiné à des entités spécifiques, telles que les autorités de régulation financière, les institutions financières, et d’autres organisations soumises à des obligations de conformité strictes en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Quels étaient les enjeux et les critiques du système précédent ?
La création du registre des bénéficiaires effectifs (RBE) faisait partie de la 4e directive anti-blanchiment, visant à renforcer la transparence financière et à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Cette directive a été transposée en droit français par la loi Sapin II en 2016. Depuis 2017, toutes les entreprises, quelle que soit leur forme juridique, doivent déclarer leurs bénéficiaires effectifs. Cela concerne les associés détenant directement ou indirectement plus de 25 % du capital ou des droits de vote, ou ceux exerçant un contrôle significatif sur l’entreprise. En l’absence de tels détenteurs, le représentant légal doit être déclaré.
L'accès public au RBE a été remis en question, notamment après une décision de la Cour de justice de l'Union européenne en 2022, qui jugeait cet accès contraire au droit à la vie privée. Bien que la France ait jusqu'à présent contourné cette interdiction, la CNIL a récemment imposé de restreindre cet accès public.
Cette décision, bien qu'elle semble marquer un recul en matière de transparence financière, constitue pour beaucoup une avancée d’un point de vue de protection des données personnelles.
Quels changements apportera la nouvelle directive européenne ?
Avec l’entrée en vigueur de la directive 2024/1640, l’accès aux informations sur les bénéficiaires effectifs est désormais limité aux acteurs ayant un intérêt légitime. Cela signifie que seules les entités et personnes justifiant d’un besoin spécifique et légitime peuvent accéder à ces données. Les acteurs concernés incluent notamment les entreprises soumises à la loi Sapin 2 ou citées dans les articles L561-2 et 2° de l’article L. 561-46 du Code Monétaire et Financier, tels que :
• Avocats
• Experts-comptables
• Salariés de banques
• Assureurs
• Entreprises d’investissement
• Sociétés de gestion
• Autorités de régulation et de contrôle
Comment les parties concernées peuvent-elles accéder aux informations après la réforme ?
Pour le grand public, il faudra désormais passer par l'INPI, en remplissant un formulaire et en justifiant d'un intérêt légitime, accompagné de documents spécifiques selon la nature du demandeur.
- Le formulaire de demande
Le processus de demande d'accès via l'INPI comprend plusieurs étapes :
Remplissage du formulaire : Il s'agit d'un document à compléter en ligne ou en version papier, où le demandeur doit fournir des informations précises sur son identité et la nature de son intérêt légitime à accéder aux données des bénéficiaires effectifs.
Justification de l'intérêt légitime : Le demandeur doit expliquer en quoi l'accès aux informations du RBE est nécessaire pour ses activités. Cela peut inclure des raisons professionnelles, journalistiques, de recherche ou administratives.
Fourniture de documents justificatifs : Selon la nature du demandeur, des documents spécifiques sont requis pour appuyer la demande. Par exemple, un journaliste pourrait fournir une carte de presse, tandis qu'un chercheur pourrait inclure des lettres de mission ou des projets de recherche pertinents.
- Deux catégories de demandeurs
Accès global : Pour des entités comme la presse, les chercheurs et les prestataires, qui peuvent prétendre à un accès à l'ensemble de la base de données.
Accès ciblé et unique : Pour les administrations, collectivités locales et sociétés entrant en relation d’affaires avec un tiers, ayant accès uniquement aux informations d'une société à la fois.
Quelle est la timeline pour la mise en œuvre complète de la nouvelle directive ?
Une nouvelle directive européenne 2024/1640 prévoit l'harmonisation des règles d'accès pour les personnes impliquées dans la lutte contre le blanchiment, leur permettant un accès généralisé au RBE à partir de juillet 2027.
En attendant, il est recommandé de vérifier votre accès au registre ou de remplir le formulaire de demande auprès de l'INPI si vous êtes concerné.